Peut on faire du porno et être en couple? Part. 1 : jalousie et culpabilité

Après un sondage réalisé sur mes réseaux sociaux (Facebook, Twitter) j’ai constaté que le sujet qui interpellait le plus mes lecteurs était celle de la vie sentimentale d’un hardeur ou d’une hardeuse. Si le statut de “pornostar” peut faire fantasmer sur bien des plans, il soulève en revanche beaucoup de questions sur la possible compatibilité entre ce métier hors-norme et une vie de couple harmonieuse.

Dans le documentaire Rhabillage récemment diffusé sur France 2 (Envoyé Spécial) et réalisé par l’ex-actrice porno Ovidie, deux professionnelles du X témoignent :« Baiser une actrice, c’est très valorisant, mais être amoureux c’est [perçu comme quelque chose de] pitoyable »(Coralie Trinh Thi) « On est les filles que tout le monde veut mais que personne ne veut montrer » (Nomi). Certains s’étonneront de telles déclarations disant qu’après tout, être acteur/ice porno est un métier comme les autres. D’autres diront qu’il suffit de faire la part de choses, qu’il n’y a pas de raisons de se plaindre d’avoir un conjoint hardeur/euse si après tout on était au courant de ses activités dès le début de la relation. Beaucoup pensent que les couples du porno sont forcément libertins, ce qui faciliterait la chose.

La vérité est qu’il est plus facile de  parler de porno que d’en faire. Sans même évoquer de carrière dans le X il me semble que pour beaucoup de gens il n’est pas forcément simple d’être amoureux de quelqu’un de réputé pour ses multiples ex- ou conquêtes, sa libido débordante, ou dont les prouesses sexuelles ont été exposées sur des sex-tapes diffusées sur le web. Ce n’est pas non plus forcément facile pour une personne vivant dans l’anonymat total de se promener au bras d’une personne que les gens toisent dans la rue pour l’avoir reconnue la veille à la télé. Et dire que “d’être au courant” suffit à bien vivre les choses, c’est oublier ce qu’un tel métier peut entraîner sur le plan émotionnel et psychologique quand il s’agit d’une relation avec  une personne qu’on aime, qu’on désire, avec qui on souhaite éventuellement fonder une famille.

Le point sensible concerne bien sûr l’acte sexuel et la diffusion  de cet acte par l’image. Comment accepter de voir celui/celle à qui on vient de faire l’amour, quitter son lit tous les jours pour reproduire d’avec d’autres les mêmes gestes, les mêmes expressions, prononcer parfois les mêmes mots, éprouver du plaisir … jouir? Comment dissocier parfaitement travail et vie privée quand il est question de sexualité, mécanique du corps mais aussi langage intime ?

 QUAND LE SENTIMENT AMOUREUX DEVIENT OBSESSIONNEL ET DESTRUCTEUR 

Les coups de foudre, les histoires d’amour, les mariages et les cas de couples classés X parvenant à vivre heureux et à parfois même fonder une famille existent ; j’aurai d’ailleurs l’occasion de vous présenter des couples heureux qui peuvent témoigner à ce sujet. Mais il faut reconnaître que le statut de “mec d’actrice “ est bien souvent cité de manière péjorative dans l’industrie du X (plus que celui de petite-amie d’acteur). Pourquoi ? Il arrive malheureusement fréquemment qu’un “mec d’actrice” tombe dans une spirale s’avérant destructrice (même s’il est lui-même déjà acteur porno). Plus il sera psychologiquement fragile, plus il sera sujet à des “déviances”, reportant sa souffrance ou sa névrose sur sa compagne. Souffrance légitime face aux difficultés d’un métier totalement déroutant, mais donnant parfois lieu à des comportements désespérés, extrêmes, violents.

Le “profil type du mec d’actrice” :

- Il arrête de travailler pour mieux la suivre puisqu’elle est amenée à voyager (tournages, shows, salons érotiques) et finit par se reposer financièrement sur elle. Dans certains cas, vampirisé par l’(hyper-) activité de sa compagne il devient progressivement dépendant d’elle, dans d’autres il profite d’emblée de la situation, considérant qu’après tout, “elle lui doit bien ça”. L’actrice qui accepte ce deal culpabilise souvent de son métier ou souhaite garder son partenaire auprès d’elle en permanence pour se, et le rassurer.

- Il tente d’ intervenir dans sa carrière, de se l’approprier en s’improvisant “agent/ manager”alors qu’il ne connaît pas forcément grand chose au business du X. Il s’impose dans la gestion des contrats, répond au téléphone à sa place, devient la “tête pensante” du couple. Cela peut s’avérer fructueux ou désastreux. Être complémentaire étant une chose, jouer aux parasites en étant une autre. Il prend aussi parfois le rôle de garde-du-corps mais peut-être lui-même la première cause de stress et de troubles pour l’actrice lorsqu’elle se retrouve face à ses fans (Il arrive tout de même que certains petits-amis se débrouillent très bien dans cette tâche).

- Il tente de devenir hardeur à son tour (Ce qui n’est pas en soi une mauvaise chose bien sûr) et de devenir son partenaire exclusif ou principal (là, ça peut être plus problématique) ; il arrive qu’il décide des pratiques sexuelles que celle-ci pourra effectuer lors de ses scènes, impose même parfois la liste de ses partenaires, ce qui est un handicap pour sa carrière. La situation se corse véritablement quand il réalise qu’il n’a pas les capacités physiques à tourner des scènes. Un sentiment de frustration peut alors se développer vis à vis de sa compagne et des autres acteurs. Les complexes, le sens de la compétition, le sentiment d’impuissance peuvent créer chez lui des traumatismes, un dégoût de sa partenaire, une perte de la libido. Il rejette ensuite bien souvent la faute sur elle.

- Lorsqu’il n’arrive pas à assumer sa relation, il arrive qu’il devienne menaçant, violent (par la parole ou les actes) ; il effectue du chantage affectif de manière plus ou moins consciente à sa compagne pour la faire culpabiliser, développe un comportement obsessionnel et paranoïaque. J’ai vu certains hommes rentrer dans une telle souffrance et une telle hystérie qu’il en arrivaient à  demander à leur petite-amie de se justifier en permanence sur chaque scène, chaque choix de partenaire, chaque pratique sexuelle; certains leur imposant de revoir ensemble les vidéos (scènes mais aussi making-of), certains allant jusqu’à la violence physique. Dans les cas extrêmes il arrive que le petit-ami se venge en s’appropriant les biens et l’argent de l’actrice. Certains sont allés jusqu’au cas extrême de la tentative de meurtre. Je précise que  dans certains cas les petits-amis en question avaient déjà un passif. Ce n’est donc pas la confrontation au porno qui les a nécessairement rendus agressifs.

ACTRICE PORNO : DE LA DOULEUR D’ÊTRE MAL-AIMÉE

Je doute que beaucoup d’actrices aient sérieusement songé à leur future vie de petite-amie ou épouse, ou encore de maman au moment de se lancer dans le porno. Même si elle peut être ambitieuse, la carrière d’actrice X est une aventure à vivre au jour le jour, risquée, précaire, extrême, où le plaisir et l’argent sont à prendre ici et maintenant. Expérience qui vaut la peine d’être vécue si on parvient à faire sa place, si on garde les pieds sur terre et si bien sûr on parvient à s’épanouir et à éprouver du plaisir. Choix bien plus complexe lorsque l’on doit penser à deux et que votre nouveau petit-ami vit très mal votre métier.

Quand ça se passe mal…

- L’actrice porno éprouve de la culpabilité, ce qui l’empêche de continuer à assumer ce qu’elle a fait , de continuer à tourner, même si elle était, célibataire, très heureuse dans son métier. Elle finit par se sentir sale, par se dissocier de son corps pour pouvoir supporter les tournages qu’elle n’apprécie plus. En se coupant, elle n’éprouve non seulement plus de plaisir mais peut souffrir physiquement de ces rapports qu’elle ne souhaite plus. Cela peut aussi se produire dans sa sexualité avec son compagnon avec qui elle peut développer des problèmes sexuels.

- Elle perd confiance en elle, se sent dévalorisée, devient persuadée que personne hormis son petit-ami (qui est devenu sa seule référence) ne pourrait la supporter et l’aimer puisqu’il lui explique à quel point ce qu’elle fait est inacceptable et honteux. Cela la pousse accepter tout ce qu’il lui demande en espérant se faire pardonner.

- Elle le laisse gérer sa carrière soit pour le valoriser, soit parce qu’elle ne se sent pas capable de le faire; elle finit par se couper du monde du X, de ses collègues, parfois de ses amis et de ses fans. Elle ment dans ses interviews par peur qu’il la lise, se justifie de tout, va jusqu’à dire qu’elle n’éprouve pas de plaisir ou ne jouit jamais pour ne pas le blesser et éviter ses reproches. Elle annule du jour au lendemain un tournage à cause d’une dispute. Sa réputation dans le milieu du X est touchée. Elle se retrouve impuissante.

- Elle arrête prématurément et de manière radicale les tournages (Arrêter par amour n’est pas du tout une erreur. Arrêter par peur et désespoir n’est peut-être pas le meilleur des choix), souhaite tellement tourner la page que son nouveau discours la fait passer pour quelqu’un qui “crache dans la soupe” alors qu’elle tente de se racheter… à tort aux yeux de son petit-ami, de son public.

- Elle vit ensuite mal toute médiatisation et toutes les images qui continuent d’être diffusées alors qu’elle a arrêté. Elle finit par regretter sa carrière dans le porno. Son mal-être l’empêche de reprendre confiance pour parvenir à se reconvertir dans une autre activité professionnelle.

La question que vous vous posez tous: mais alors, pourquoi ne pas rompre? Il semble qu’une dépendance psychologique et parfois matérielle soit parfois tellement forte qu’il soit pour l’un et/ou l’autre  inenvisageable de rompre. Quand la relation amoureuse  a pourri dans un rapport de manipulation, de chantage, elle enlève à chacun sa lucidité voire son libre-arbitre.

Chaque couple reste  unique et décide d’écrire sa propre histoire.

Le tableau que je vous décris ici est très noir et je vous rassure, il n’est pas systématique. Il existe heureusement des petits-amis (dans le porno ou non) absolument équilibrés, intelligents, amoureux et attentionnés qui s’investissent dans la carrière de celles-ci sans pour autant que ce soit de manière malsaine. Certains parviennent même à constituer une équipe complice devant et derrière caméra. Le schéma que je vous ai détaillé est le portrait type du couple actrice porno/petit-ami qui ne fonctionne pas, et où le petit-ami, même s’il peut partir au départ avec de bonnes intentions, est psychologiquement trop fragile pour faire la part des choses. S’il entretient avec elle un rapport fan/ pornostar il peut se retrouver piégé par l’image de l’actrice au lieu de voir la femme qui se cache derrière.

Et lorsque c’est lui qui tourne ?… J’aurai l’occasion de vous présenter des couples où lui tourne activement, et où elle, reste par exemple à la maison pour s’occuper des enfants. Écouter des témoignages est primordial. Si nous retrouvons en effet des profils et parcours ” types”, chaque histoire reste unique, personnelle, et c’est bien pour cela que généraliser est à mon avis dangereux. C’est pour cette raison que je vous proposerai régulièrement sur ce blog des entretiens intimes et sincères avec différents couples vivant l’expérience du porno, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire…

Quelles sont  les difficultés auxquelles faire face lorsqu’on sort avec un acteur ou une actrice porno?  Quels sont les secrets d’un couple heureux en immersion dans une industrie qui consiste à faire de son corps et de sa sexualité un outil de travail, un objet de fantasme, un vecteur de plaisir ? Je vous réponds dans mon prochain article.